Le département de l’Hérault offre un condensé de l’histoire géologique de la France
dont tous les grands événements sont ici enregistrés
Michel Gastou, présentation de la carte pédologique de Lodève (INRA) avec un chapeau d’un document BRGM
Tous les types de roches, de tous âges, y sont représentés et, de surcroît, bien ordonnés dans l’espace, depuis les sables littoraux actuels jusqu’aux gneiss du Caroux, dont les plus anciens remonteraient à plus de 600 millions d’années, en passant par les calcaires omniprésents en garrigue ou sur le causse du Larzac, qui sont les témoins de la partie intermédiaire de cette longue histoire. Ajoutée à cela, la disposition en amphithéâtre des terres, depuis la côte jusqu’à la Montagne Noire ou le causse du Larzac, multiplie belvédères et panoramas variés et souvent grandioses. Ainsi, le département est-il idéal pour découvrir la géologie.
Extrait de la préface de l’ouvrage « Hérault miroir de la Terre » (BRGM éditions février 2004).
En 1993 l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) à publié la CARTE PÉDOLOGIQUE DE LODÈVE L 22 à 1/100 000e.
Cette carte pédologique qui couvre une surface du département relativement faible, moins de 2400 km2 (carte de situation n°2), montre une région tellement riche en types lithologiques de roches, qu’il nous a paru utile de reproduire l’ avant propos qui complète pour la partie à mon sens la plus dense de cette région le propos cité en début de l’article sur le département de l’Hérault. Suivra une partie du chapitre 2 Géologie Lithologie stratigraphique montrant l’exceptionnelle variété des terrains et des formations géologiques de la structure.
L’avant propos de la notice explicative de Paul Bonfils a été rédigée par Bernard Gèze déjà auteur dans la collection des guides rouge Masson (Guides géologiques régionaux) de l’ouvrage LANGUEDOC MÉDITERRANÉEN MONTAGNE NOIRE.
Avant-propos (Bernard Gèze)
Avec la publication de la carte de Lodève à 1/100 000, le service d’étude des sols et de la carte pédologique de la France vient d’atteindre ce que l’on est en droit de considérer comme un record enviable. En effet, il n’existe peut-être pas ailleurs dans le monde une région de surface relativement faible (moins de 2 400 km2) dans laquelle on relève une pareille variété dans les « facteurs » de la pédogenèse et par conséquent dans les unités de sols représentés (au nombre de 85).
Même si les conceptions relatives à la classification des sols ont récemment beaucoup évolué, il n’en demeure pas moins que le rôle des roches-mères, des climats agissant sur elles et du temps pendant lequel s’est produite cette action demeurent fondamentaux pour comprendre le déroulement des phénomènes physiques et chimiques ayant abouti à la genèse des sols actuels. De même, la végétation, la topographie et l’homme conservent une importance essentielle qu’il serait fâcheux d’ignorer. Or, pour chacun de ces facteurs traditionnellement étudiés par les pédologues de terrain, la fraction du territoire languedocien envisagée ici offre réellement un ensemble de particularités assez surprenantes.
En premier lieu, on trouve à peu près la totalité des types lithologiques de roches éruptives, métamorphiques et sédimentaires. Il y a en effet des granites, des rhyolites et des basaltes, des gneiss, des micaschistes et des schistes sériciteux, des quartzites, des grès, des sables, des calcaires, des dolomies, des marnes, des argiles, un peu de gypse et de sel et même du charbon. En outre, ces roches représentent sensiblement l’histoire de la terre au complet, depuis l’Antécambrien jusqu’au Quaternaire le plus actuel, avec des faciès les uns marins, les autres lacustres, ou quelquefois continentaux pour les formations sédimentaires. Les « altérites » en résultant peuvent par conséquent remonter à des époques très variées, si bien que les paléosols sont nombreux et jouent souvent eux-mêmes un rôle « parental » pour les sols de genèse récente.
En ce qui concerne le climat, le territoire étudié étant à cheval sur la ligne de partage des eaux de l’Europe, on trouve à la fois des influences atlantiques et méditerranéennes. Avec en plus l’effet du relief, entre les 1 000 mètres du massif de l’Agout (Espinouse – Caroux) et le niveau de la mer à l’étang de Thau, on va ainsi du froid humide au chaud relativement sec, suivant une transversale nord-ouest/sud-est. Tout naturellement, il en résulte entre autres des tourbières acides d’un côté et des sols salins à l’autre extrémité, avec un bon nombre des divers sols considérés comme « zonaux, dans l’intervalle ».
Commandée elle aussi par le relief, autant que par les roches et le climat, la végétation présente une égale variété, allant de la hêtraie accompagnée de résineux sur le socle granito-gneissique en altitude aux garigues à chêne vert et chêne kermès sur les basses collines souvent calcaires, en passant par les restes de forêts de chêne pubescent et de l’ancienne châtaigneraie sur les hauteurs intermédiaires. Les divers types d’humus en découlant vont évidemment motiver encore des évolutions de sol fort dissemblable.
En dehors du point de vue altitudinal, la topographie joue par les différences morphologiques dont le rôle apparaît fondamental. En particulier, la surface d’érosion antétriasique, celle datant du Crétacé moyen, les aplanissements miocènes et plio-quaternaires, avec leurs témoins de paléosols profonds, vont franchement s’opposer aux ravins, aux canyons, aux glacis de piedmonts que l’on trouve aussi bien dans les bordures de la Montagne Noire que dans celles des Causses et des Garrigues de l’Hérault. Bien entendu, les petits plateaux caillouteux des « costières » plio-quaternaires et les larges vallées alluviales se différencient aussi complètement.
Enfin, il ne faut pas oublier que le Bas Languedoc est l’une des régions les plus anciennement mises en culture de toute la France. Dès le Néolithique (dit aussi fort justement « Agrolithique »), Causses et Garigues ont été partiellement défrichés; puis ce fut le tour des plaines point trop humides où l’on retrouve encore les limites de champs des colonisations grecques et romaines ; aujourd’hui, après le quasi-anéantissement du couvert forestier naturel et le relatif abandon de la moyenne et de la haute montagne, c’est la monoculture de la vigne sur tout terrain cultivable. Après 5 000 ans de labourage, il est permis de se demander ce qui peut bien rester comme caractéristiques originelles pour la plupart des sols que nous étudions…
Mais tous ces problèmes pédologiques, qu’il convenait de résoudre à la fois sur le terrain et en laboratoire, n’ont pas rebuté l’équipe du professeur E. Servat, au Centre de Recherches Agronomiques de l’INRA, à Montpellier. Sous l’énergique impulsion de P. Bonfils, l’œuvre a été méthodiquement menée à bien et nous pouvons en apprécier les résultats.
Nul doute que cette feuille de Lodève ne soit également jugée précieuse par les théoriciens de la Science du Sol et par tous les utilisateurs, aussi bien planificateurs que – tout simplement – agriculteurs !
(Bernard Gèze, ancien professeur à l’E.N.S.A. de Montpellier, professeur honoraire à l’Institut National Agronomique de Paris, membre de l’Académie d’Agriculture de France.)
2. Géologie Lithologie stratigraphique (Paul Bonfils)
L’extrême complexité de la carte pédologique de Lodève ne fait que traduire l’exceptionnelle variété des terrains et des formations géologiques rencontrées. La série stratigraphique est la plus complète, observée à ce jour, sur une carte géologique à même échelle. Entre l’Antécambrien et les alluvions actuelles, ne manquent que quelques étages du crétacé inférieur, pour réaliser un grand chelem » stratigraphique. C’est-à-dire que pratiquement tous les types de roches cristallines, métamorphiques, volcaniques, sédimentaires, meubles ou consolidées, ont été observées en affleurements, ou transformées en sols. Cela explique la complexité de la carte et le principe de son établissement : la nature des faciès lithologiques et leur position dans le paysage ont constitué les bases de la classification pédologique. Cette litho-dépendance est primordiale en région méditerranéenne : sur des roches très anciennes on peut observer des sols très peu évolués ou des paléosols ; inversement, des matériaux du début du Quaternaire peuvent présenter des signes d’évolution très poussée dans un continuum espace-temps d’environ 1,5 million d’années.
Rappelons les grands ensembles rencontrés :
– le sol paléozoïque de la Montagne Noire, bordé par des matériaux infracambriens,
– les versants nord et sud de la Montagne Noire, à matériel sédimentaire d’âge infracambrien à paléozoïque inférieur,
– le bassin Stéphanien de Graissessac et le bassin permien de Lodève avec sa couverture triasique.
– le fossé mésozoïque de Bédarieux, qui inclut les plateaux de Dio-Bernagues,
– la couverture mésozoïque des Avant-Causses, des petits Causses de l’Hérault et du Pli de Montpellier,
– les plis pyrénéo-provençaux de Saint-Chinian et de Villeveyrac dont les matériaux sont d’âge fini-crétacé ou éocène,
– les formations néogènes déposées dans des golfes correspondant aux basses vallées de l’Orb et de l’Hérault,
– les coulées basaltiques plio-quaternaires,
– les formations alluviales quaternaires et récentes des grandes vallées et de la bordure de l’étang de Thau.
4. Le couvert végétal
4.1. Les formations naturelles
La plus grande partie de la plaine du Bas-Languedoc doit son aspect monotone à la monoculture de la vigne. De petites galeries forestières (saules, peupliers, frênes) accompagnent le tracé des cours d’eau ; les « puechs » sont parfois couronnés de bois de pins d’Alep ; des parcs aux arbres centenaires entourent les grandes exploitations. Dans le vignoble, les rudérales, mises à mal par les herbicides, subissent une véritable sélection, par chimiorésistance.
Il faut s’élever de 200 m pour trouver les formations basses typiquement méditerranéennes de la série du chêne vert :
– sur les formations calcaires, garrigues à thym, romarin, lavande aspic, ciste blanc, genêt scorpion, phillyrea, pistachier térébinthe, genévriers…accompagnés par le buis. La dominance d’une espèce permet de distinguer plusieurs formes :
a – sur calcaires compacts, garrigue à kermès (garric), indiquant une dégradation avancée,
b – sur marnes ou calcaires marneux, garrigue à romarin, genêt scorpion et oxycèdre,
c – sur calcaires dolomitiques ou marneux, garrigue à bruyère multiflore,
– sur les formations siliceuses : maquis à cistes, arbousier, calycotome, bruyère arborée et à balai, laurier tin, lavande stœchas.
Les pelouses sont caractérisées par le brachypode rameux (« bauco »). Dans les formations boisées, le sous-bois contient la viorne, le chèvrefeuille, la clématite, la salsepareille, la garance, le phillyrea, le térébinthe, l’alaterne, le petit houx, l’asparagus… Le bois est constitué par un taillis de chêne vert autrefois très exploité en bois de feu et pour le charbon.
Sur le versant méridional de la Montagne Noire, le chêne vert trouve encore des conditions écologiques favorables dans les expositions ensoleillées ; il est accompagné par l’érable de Montpellier, par le genêt à balai, la callune, le buis, la bruyère à balai, la fougère aigle. Le pin d’Alep colonise les sols calcaires ; le pin maritime, les sols siliceux ou dolomitiques. Le pin de Salzmann existe dans deux stations : à Levas et à saint-Guilhem-le-Désert.
Le chêne pubescent se trouve dans les stations fraîches de l’aire de l’olivier : vallons fiais, versants à l’ubac, souvent en mélange avec le chêne vert.
A l’extérieur de la limite de l’olivier, on le trouve dans le Lodévois et dans Ia Montagne Noire. Sous son couvert peu dense, on y retrouve la lavande aspic et là plupart des plantes de la garrigue. En sol siliceux, le sous-bois est occupé pur la bruyère arborée, les cistes (à feuilles de sauge et à feuille de laurier), la lavande stœchas.
Dans cette série, la lande est occupée par le sparte ou par la bruyère arborée ; les landes-garrigues contiennent surtout le buis, l’oxycèdre et l’amélanchier ; les vraies garrigues sont à base de lavande aspic, thym, dorycnie.
Dans les pelouses, poussent le brachypode de Phénicie, le brome érigé, mais aussi le thym et l’aphyllante, si le sol est marneux.
Quand on s’élève, dans la série du chêne pubescent, juste au-dessous de l’étage du hêtre, le taillis, ou parfois la futaie, s’enrichit d’arbustes : prunier Mahaleb, cornouiller sanguin, viorne, buis. La lande des surfaces karstiques est occupée surtout par le buis et l’amélanchier ; le sparte occupe les sols marneux; le ciste à feuilles de sauge, la bruyère à balais et la callune, les sols acides. Le genévrier se retrouve dans tous les types de landes.
Les pelouses sèches sont à base de fétuque, brome érigé, hippocrepis, globulaire, chardon champêtre.
La châtaigneraie occupe cette série, sur les sols siliceux et bien drainés, entre les altitudes 300 et 800 m, en exposition d’adret de préférence.
L’étage collinéen non méditerranéen est représenté par la série du rouvre, chêne sessile) dans l’angle nord-ouest de Ia feuille : région d’Arnac, haute vallée de l’Agout, monts de l’Espinouse, où il forme des faciès mixtes avec le hêtre et avec le sapin. Le sous-bois est à base de houx, de bourdaine, de néflier. Dans cet étage, les genêts à balai et purgatif occupent les landes.
L’étage montagnard correspond à la série du hêtre, partout où la pluviométrie dépasse 1 200 mm. Dans le sous-bois de la hêtraie, les arbustes sont rares (sureau, ronces, myrtilles), les herbacées abondantes (anémones, dentaires, scille, mélisse). Développées sur sols acides, les landes montagnardes à genêt à balai, à genêt purgatif, à callune et à bruyère cendrée représentent les stades les plus dégradés de la forêt primitive (fig. 8). Les pelouses à canche flexueuse, à fétuques, à nard dans les zones sursaturées occupent de faibles surfaces par rapport aux landes. Les espèces exotiques, épicéa, douglas), introduites par les forestiers, à côté du hêtre, réussissent remarquablement.
La série du sapin est représentée par une sapinière d’une dizaine d’hectares dans la commune d’Arnac, entre 600 et 800 m d’altitude, sur une forte pente exposée au nord. En altitude, des tourbières à sphaignes existent dans la haute vallée de l’Agout, à plus de 1000 m ; celles du Caroux sont moins développées en surface et en profondeur par suite du dessèchement estival de la nappe phréatique (Baudiere, 1962).
4.2. Les productions agricoles
Les surfaces agricoles de la plaine du Bas-Languedoc sont occupées à 90% par la vigne, où les cépages dominants sont encore le Carignan et l’Aramon. Cependant, sur la périphérie de la zone, en piedmont de la Montagne Noire et dans le secteur collinaire, où le parcellaire de faibles dimensions ne permet pas une restructuration facile, la sélection au terroir est pratiquée par l’introduction de cépages améliorateurs : Cinsaut, Grenache, Syrah, Merlot, Cabernet-Sauvignon, en vue d’élaborer un produit de qualité (SCEES 1979-80 et 1988).
Les primes d’incitation à l’arrachage, le développement du réseau d’irrigation, n’ont eu qu’un effet limité sur la reconversion des cultures (blé dur, orge, fourrages, cultures grainières, maïs, cultures maraîchères ou fruitières).
Les raisons sont d’ordre économique plus que technique.
Les structures des exploitations viticoles sont variées, depuis les domaines de plus de 100 ha, jusqu’aux petites propriétés de l’ordre de l’hectare, résultat de nombreux partages. Les doubles actifs et les viticulteurs à temps partiel sont très nombreux, surtout à proximité des grandes villes, et le faire valoir direct domine. La vinification se fait en cave particulière à partir d’une certaine importance (30 ha), et le système coopératif est dominant dans les petites et moyennes exploitations.
Les causses de l’Hérault, couverts de garrigues, les plateaux basaltiques couverts de landes sont utilisés en vaine pâture par des troupeaux importants, plusieurs centaines de brebis), mais peu nombreux. En dehors des versants bien exposés, d’altitude inférieure à 350 m, exploités en vignobles, la Montagne Noire présente de grandes étendues de bois-taillis, de maquis ou de garrigues, très peu utilisés. Les communes forestières y pratiquent le reboisement en pins et en cèdres. Dans le sillon Orb-Jaur, se maintient une arboriculture fruitière à base de cerisiers et de pommiers.
Les monts de l’Espinouse et du Caroux ont une économie sylvo-pastorale : l’élevage du mouton domine à l’est vers le Caroux, tandis que l’élevage bovin s’est maintenu sur les plateaux du nord-ouest aux confins du Tarn et de l’Aveyron, à une altitude supérieure à 800m.
Voilà, il ne reste plus qu’à aller : découvrir cette région pour tous ceux qui ne la connaissent pas encore et y retourner pour ceux qui l’on déjà découverte.
Michel Gastou