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Les chênes : le chêne-kermès (3/4)

Troisième chêne caractéristique des espaces méditerranéens et bien rébarbatif celui-là :

Le chêne à kermès (chêne-kermès, kermès) /l‘avaus

Sur le plan du lexique, notons que l’arbuste se nomme « chêne à kermès » en toute logique (c’est-à-dire « le chêne à cochenille donnant le rouge »). Mais il est souvent raccourci en « chêne-kermès » (une garrigue couverte de chênes-kermès), et même en « kermès » tout court (couper des kermès, brûler des kermès), selon le phénomène bien connu de nommer le tout par la partie. On remarquera le flou de la norme puisque Le Petit Robert donne l’orthographe « chêne-kermès » avec tiret, à l’entrée kermès, mais « chêne kermès » sans tiret à l’entrée chêne.

 

Son nom latin botanique est Quercus coccifera, et semble faire l’unanimité des botanistes depuis longtemps : c’est bien le chêne  « porteur de cochenilles ». Son nom occitan le plus répandu est avaus (prononcez [avaous], et [abaous] en languedocien), tant en Provence maritime qu’en Languedoc (où il existe aussi la variante avals, prononcé [abals]). Il se nomme agarrús en Provence intérieure, et un autre nom languedocien répandu est celui de garrolha [garrouillo], à cause de son usage que nous verrons plus loin. Garrús est aussi un des noms de Ilex aquifolium, « le grand houx », aussi épineux que lui. Et nous avons vu que le nom latin de l’yeuse est ilex : autant en botanique qu’en langue occitane, on tourne en rond entre « chêne » et « houx »…

Chêne-kermès dans la garrigue

Chêne-kermès dans la garrigue

Comme les autres chênes, il a bien sûr donné de nombreux toponymes, parfois méconnaissables au premier coup d’oeil : Les Abaus, Les Sabalses, La Garouille, Garouilles. L’exemple Les Sabalses est caractéristique de ce que l’on appelle une mécoupure : le s de l’article pluriel a été agglutiné par erreur au nom de l’arbuste. Le nom correct aurait du être Les Abalses (de l’occitan Los Avalses, prononcé donc [louz’ abalses]). L’avaus est donc ce petit chêne bas de la garrigue qui vous griffe les mollets, et qui fait tant crier les enfants quand on « bartassège », entend-on dire couramment pour signifier que l’on coupe à travers les buissons. Ses feuilles vertes sur les deux faces (et non grises en dessous comme le chêne vert, qui se déguise parfois en kermès, on le constate souvent en sortie botanique), sont coriaces et pourvues de piquants :elles sont le témoignage de son adaptation à la sècheresse. Max Rouquette raconte la promenade d’un moine à la recherche de plantes médicinales dans les collines et qui « bartassège »: « las pèiras li rodavan jos lo pè, e mai d’un còp, se n’anèt d’esquina volar dins una mata d’ars o d’abausses que sa rauba ne foguèt estripada e que la sang li veniá d’en pertot, les pierres lui roulaient sous les pieds, et plus d’une fois, il alla voler sur le dos dans une touffe de paliure ou de kermès, si bien que sa robe en fut déchirée et que le sang lui venait de partout ».

(suite…)

Publié le: 26/01/2016