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Des taupins lumineux

Pyrophorus sp. Photo Adrian Tween - Flckr

Pyrophorus sp. Photo Adrian Tween – Flckr

Les Pyrophorus sont des Élatérides d’Amérique du Sud, que l’on trouve aussi au Mexique. Leur originalité est d’être lumineux à la manière des vers luisants, mais de façon bien plus efficace. Ils brillent la nuit d’une assez vive lumière verte émise par deux organes situés de part et d’autre du thorax, tandis qu’un organe ventral impair situé à la base de l’abdomen émet une lumière orangée, qui n’est visible que quand l’insecte est en vol. Cet éclairage est relativement puissant puisqu’il suffit de 37 à 38 pyrophores pour égaler la flamme d’une bougie, mais il s’agit d’une lumière à spectre étroit, bien qu’un peu plus étalé que celui du ver luisant (de 486 à 720µ pour Pyrophorus, de 518 à 656µ pour Lampyris). Il s’agit d’une lumière froide: la chaleur émise par les 38 Pyrophorus est 80.000 fois plus faible que celle de la bougie. Le rendement lumineux est donc excellent, dépassant 90%. Il s’agit d’un phénomène photochimique, conséquence d’une oxydation. L’émission est avivée par le rythme respiratoire de l’insecte, et un organe lumineux privé d’oxygène cesse d’émettre. De plus, cette émission est modulée par des commandes du système nerveux, à raison de 5 à 6 changements rapides d’intensité par seconde chez Pyrophorus. Des extinctions périodiques ont également lieu pour permettre à la substance active de se régénérer. R.Dubois a bien étudié le phénomène en 1886. Il prélève un des deux organes lumineux thoraciques d’un pyrophore et le broie: Au bout d’un certain temps, sa lumière s’éteint. Le second organe est mis alors en eau bouillante et s’éteint subitement. Si on broie alors ensemble les deux organes, la masse redevient lumineuse. Dubois explique ainsi le phénomène par la présence dans les organes prélevés d’une substance (qu’il nomme luciférine) qui émet de la lumière jusqu’à oxydation complète quand la réaction est activée par une diastase (la luciférase). Cela prend un certain temps pour le premier organe. Par contre, l’extinction subite du deuxième organe plongé dans l’eau bouillante, s’explique par le fait que la diastase est détruite par la chaleur. Contrairement à la luciférase la luciférine résiste à ce traitement, et mise en contact avec la luciférase intacte du premier échantillon, se remet à émettre. C’est la luciférase qui capte un quantum d’énergie résultant de l’oxydation de la luciférine et le convertit en photons: Fiat lux !

On a montré ensuite que ce qui est valable pour les pyrophores l’est aussi pour tous les autres insectes lumineux. Le phénomène a une portée générale, mais c’est chez le pyrophore du Mexique qu’on l’a étudié en premier. C’est par des signaux lumineux rythmés que l’insecte fournit une identification de son espèce et se signale aux partenaires du sexe opposé. Les feux de l’amour !

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Publié le: 05/02/2016

Opération de veille des arbres

Colline de las Rebes

Si l’ensemble de la Colline de Las Rèbes représente 1 hectare, les riverains luttent pour qu’il reste une partie significative de cet ha pour en faire un espace de verdure (il y a déjà un petit potager partagé).

Malgré les recours administratifs et l’opposition des résidents du quartier, il semble que les ACM aient décidé de lancer les travaux de bétonnage et du bitumage de la Colline de Las Rébes (rue des Casseyroles) en commençant par abattre les arbres de la Colline.
Je vous relaie l’appel des Enfants de La Colline que nous soutenons. Pour en savoir davantage

Alain Del Vecchio

 

Publié le: 04/02/2016

Sortie mycologique du 15 novembre 2015

A Vic la Gardiole, bois des Aresquiers et bois de la Fontaine.

Le Bois des Aresquiers est un espace appartenant au Conservatoire du Littoral. C’est un bois intéressant car il est peuplé en majorité de pins d’Alep, sur des terrains variés. En s’éloignant des étangs, on rencontre successivement des zones sableuses, puis des dunes anciennes solidifiées, et plus haut, des calcaires pliocènes. Des chevaux, parqués dans quelques prairies apportent aussi leur contribution mycologique, par la fumure des sols. Télécharger la suite

Gérard Lévêque

Lactarius atlanticus - Photo Gérard Lévêque

Lactarius atlanticus – Photo Gérard Lévêque

Publié le: 03/02/2016

Le charbon

Michel Gastou, membre de la SHHNH et de la Saga (Société Amicale des Géologues Amateurs) vient de nous confier un article de 57 pages sur le charbon, son histoire scientifique et humaine.

Publié le: 30/01/2016

Les chênes : le chêne-liège (4/4)

Le dernier des chênes dont nous parlerons, toujours sur un plan ethnobotanqiue, est le chêne liège. Mais il est absent du Languedoc (sauf très rares sujets isolés) car il a d’une part horreur du calcaire, et d’autre part besoin d’une plus grande chaleur que les autres chênes vus jusqu’à présent. On le trouve donc sur les terrains siliceux de Catalogne, et dans les Maures et l’Estérel en Provence. Ses noms occitans sont siurièr en languedocien et suvrier en provençal, dérivés du nom latin suber (liège), qui définit le nom d’espèce Quercus suber. Une « subéraie » se dit donc en occitan une siureda, ou une suvriera. Mais les toponymes sont bien sûr plus rares que ceux dérivés des autres chênes, et comme anthroponymes, on ne connaît guère que Sube, nom de famille fréquent en Provence. En catalan, cet arbre s’appelle surer, et une forêt sureda, ce qui a donné le nom du village des Pyrénées orientales, Saint André de Sorrède (plus connu pour la fabrication de fouets en bois de micocoulier).

Chêne-liège démasclé

Chêne-liège démasclé

Si du côté des feuilles, il ressemble beaucoup au chêne vert, c’est évidemment son écorce profondément creusée qui est caractéristique. Elle est une excellente protection contre les incendies : la forêt de chênes lièges que l’on peut voir de l’autoroute en allant en Espagne a brûlée il y a quelques années, et les troncs pourtant calcinés sont repartis en faisant des bouquets de jeunes pousses tout le long des branches. En fait, cette écorce est composée de deux parties. La plus interne est dite écorce mère (rusca maire) qui produit le liège (siure/suve (liège), écorce qu’il ne faut pas abîmer lors de la récolte. La première écorce d’un arbre est dite mâle (rusca mascla) : c’est un liège de mauvaise qualité et qui ne servait qu’aux pêcheurs. Pour récolter du liège de bonne qualité, il faut enlever cette écorce mâle sur des sujets assez âgés, et attendre que l’écorce mère produise à nouveau du liège.

L’exploitation du liège se faisant exclusivement sur les territoires de langue d’oc, tous les termes du métier sont donc occitans et passés tels quels au français. Enlever l’écorce mâle pour pouvoir exploiter un arbre, c’est démascler un chêne (desmasclar), et celui qui fait cette opération est un démascleur (desmasclaire).

Écorce du chêne-liège

Écorce du chêne-liège

L’écorce primitive est coupée sur une hauteur de deux mètres environ, et les troncs présentent alors une couleur brun rouge très caractéristique sur toute la partie démasclée. L’écorce mère va donc produire à nouveau des tanins, donc une épaisseur de liège dit écorce femelle (rusca femèla) que l’on récolte environ tous les dix ans. Cette opération s’appelle le levage (levatge), et elle est faite par un leveur (levaire), avec un outil spécialisé. Les manchons d’écorce sont entassés au pied des arbres, et transportés par des camalos sur des camions (autrefois des charrettes à chevaux).

La forêt des Maures présente encore quelques arbres démasclés (le contraste rouge brun de la partie démasclée/gris blanc du reste de l’arbre est saisissant, la visite du massif en voiture est hautement recommandée !), mais l’exploitation du chêne liège n’est plus aussi prospère qu’autrefois, où elle a fait la fortune de nombreux bouchonniers : on peut voir ainsi comme témoins de cette activité économique, leurs superbes maisons bourgeoises à Collobrières, village de l’intérieur du Var. Quelques plaques de liège, directement issues du levage et présentant donc la forme incurvée du tronc, sont en vente dans les rues même du village, avec les châtaignes et produits dérivés, autre spécialité du coin. Les bouchonniers catalans ont eu eux aussi leurs heures de gloire : anciennes usines reconverties depuis à d’autres usages, belles demeures dans les villages (marquées de palmiers et de rosiers de Banks) sont les témoins silencieux d’une prospérité passée. Car ce sont maintenant l’Espagne et le Portugal les grands producteurs de liège. La forêt méditerranéenne gagnerait pourtant à ce que cette activité reprenne : entretenue, habitée par l’homme, elle subirait moins les ravages des incendies.

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Publié le: 26/01/2016

Les chênes : le chêne-kermès (3/4)

Troisième chêne caractéristique des espaces méditerranéens et bien rébarbatif celui-là :

Le chêne à kermès (chêne-kermès, kermès) /l‘avaus

Sur le plan du lexique, notons que l’arbuste se nomme « chêne à kermès » en toute logique (c’est-à-dire « le chêne à cochenille donnant le rouge »). Mais il est souvent raccourci en « chêne-kermès » (une garrigue couverte de chênes-kermès), et même en « kermès » tout court (couper des kermès, brûler des kermès), selon le phénomène bien connu de nommer le tout par la partie. On remarquera le flou de la norme puisque Le Petit Robert donne l’orthographe « chêne-kermès » avec tiret, à l’entrée kermès, mais « chêne kermès » sans tiret à l’entrée chêne.

 

Son nom latin botanique est Quercus coccifera, et semble faire l’unanimité des botanistes depuis longtemps : c’est bien le chêne  « porteur de cochenilles ». Son nom occitan le plus répandu est avaus (prononcez [avaous], et [abaous] en languedocien), tant en Provence maritime qu’en Languedoc (où il existe aussi la variante avals, prononcé [abals]). Il se nomme agarrús en Provence intérieure, et un autre nom languedocien répandu est celui de garrolha [garrouillo], à cause de son usage que nous verrons plus loin. Garrús est aussi un des noms de Ilex aquifolium, « le grand houx », aussi épineux que lui. Et nous avons vu que le nom latin de l’yeuse est ilex : autant en botanique qu’en langue occitane, on tourne en rond entre « chêne » et « houx »…

Chêne-kermès dans la garrigue

Chêne-kermès dans la garrigue

Comme les autres chênes, il a bien sûr donné de nombreux toponymes, parfois méconnaissables au premier coup d’oeil : Les Abaus, Les Sabalses, La Garouille, Garouilles. L’exemple Les Sabalses est caractéristique de ce que l’on appelle une mécoupure : le s de l’article pluriel a été agglutiné par erreur au nom de l’arbuste. Le nom correct aurait du être Les Abalses (de l’occitan Los Avalses, prononcé donc [louz’ abalses]). L’avaus est donc ce petit chêne bas de la garrigue qui vous griffe les mollets, et qui fait tant crier les enfants quand on « bartassège », entend-on dire couramment pour signifier que l’on coupe à travers les buissons. Ses feuilles vertes sur les deux faces (et non grises en dessous comme le chêne vert, qui se déguise parfois en kermès, on le constate souvent en sortie botanique), sont coriaces et pourvues de piquants :elles sont le témoignage de son adaptation à la sècheresse. Max Rouquette raconte la promenade d’un moine à la recherche de plantes médicinales dans les collines et qui « bartassège »: « las pèiras li rodavan jos lo pè, e mai d’un còp, se n’anèt d’esquina volar dins una mata d’ars o d’abausses que sa rauba ne foguèt estripada e que la sang li veniá d’en pertot, les pierres lui roulaient sous les pieds, et plus d’une fois, il alla voler sur le dos dans une touffe de paliure ou de kermès, si bien que sa robe en fut déchirée et que le sang lui venait de partout ».

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Publié le: 26/01/2016

Les chênes : le chêne blanc (2/4)

Nous évoquerons maintenant le deuxième chêne familier des nos paysages, celui qui devient roux à l’automne :

Le chêne blanc/lo rore, lo roire, lo rove (prononcez [rouré], [rouiré], [rouvé])

Le rore/rove est dérivé du nom du chêne en latin, robur, qui est présent dans Quercus robur, nom actuel de l’ancien Quercus pedunculata, le « chêne rouvre ». Celui qui nous intéresse ici est un cousin méditerranéen : Quercus humilis subsp lanuginosa, autrefois Quercus pubescens, qualifié quelquefois en français de « chêne pubescent », traduction de son ancien nom latin botanique. Les noms latins changeant sans cesse, il nous faut donc maintenant le nommer « petit chêne laineux » … Nous profitons de cet exemple pour signaler l’absurdité de qualifier de « noms français » ce qui n’est en réalité qu’un nom latin botanique traduit en français ne fonctionnant que dans les milieux de botanistes (et non pas un nom français vernaculaire) : distinction élementaire des niveaux de langue, qu’il nous faut parfois expliquer avec des trésors de patience, si nous en jugeons par les étonnantes réactions de certaines personnes réagissant comme si nous les agressions (?) par ces précisions lexicogaphiques.

Pour ce qui est de blacha, blaca, blacàs, souvent aussi employés pour le désigner, ces noms semblent concerner à l’origine des baliveaux (donc des jeunes arbres, nous l’avons déjà signalé dans l’article précédent) s’appliquant à divers espèces : le chêne vert en plaine, le châtaignier en Cévennes, le chêne blanc un peu plus dans l’arrière-pays. Grand ou petit, ce chêne a donné de nombreux noms de familles, Roure, Duroure, Roube, Blache, Blaque, Blacas, sans oublier les cartes géographiques de notre enfance de Vidal et … Lablache, ainsi que des noms de lieux, Le Rouyre, Les Rouires, La Blaque.

Au contraire de l’yeuse, les feuilles du chêne blanc sont lobées, d’un beau vert clair. Pelucheuses en dessous, cela lui a valu son ancien nom d’espèce pubescens, et plus récemment lanuginosa, et aussi son nom français de chêne blanc. Elles deviennent rousses à l’automne, mais ne tomberont qu’à la montée de la sève au mois de mars, habillant l’arbre d’un manteau de feuilles sèches tout au long de l’hiver : on dit que ses feuilles sont marcescentes (du latin marcescere, se faner, et nous avons ausssi l’adjectif marcit, marcida en occitan signifiant « fané », tiré du même verbe latin). Cet arbre se voit donc de loin, et permet de distinguer nettement sur le terrain « l’étage du chêne vert », couleur de velours sombre toute l’année, et « l’étage du chêne blanc » qui le surmonte en théorie, ou les quelques chênes blancs occupant les fonds de vallon plus humides à l’étage de la chênaie verte :

Chêne blanc

Chêne blanc

« Davant mos uòlhs, tot un país negre d’euses s’espandís amb las tacas de rovilh dels roires, e las tacas blau d’espic de las pèiras. » (Max Rouquette, Verd Paradís 1)

« Devant mes yeux, tout un noir pays d’yeuses s’étale, avec les taches de rouille des chênes, et les taches bleu lavande des pierres. »

Le chêne blanc, au contraire du chêne vert, s’installe en effet dans les lieux plus humides, plus élevés, et donc sur les ubacs (du latin opacus, sombre), versant nord des collines, mot que le français a emprunté à l’occitan, car cette opposition versant nord/versant sud n’est marquée que sous nos climats méditerranéens. Mais il suffit de la présence d’humidité dans les fonds de vallons, pour que le rore s’installe à l’étage du chêne vert : l’étagement de la végétation est théorique et subit ici ou là quelques entorses, selon des conditions locales de micro-climat. Ainsi l’Hortus en face du Pic Saint Loup est connu pour son inversion d’étagement : les sources affleurant au pied de la colline, ce sont les chênes blancs qui s’y sont installés, tandis que les chênes vert occupent au contraire le sommet rocheux et sec. Mais plus en altitude, le chêne blanc s’installe aussi sur les causses les plus arides, pour donner ces paysages bien caractéristiques.

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Publié le: 26/01/2016

Les chênes : le chêne vert (1/4)

Le chêne vert, l’yeuse/l’euse

Son nom botanique est Quercus ilex, ilex étant le nom de l’arbre chez les Latins (« sorte de chêne, yeuse » nous dit le dictionnaire de latin Gaffiot). Le nom occitan vient donc directement du latin ilex. L’appellation euse (prononcez [eousé]) est largement la plus répandue, en Languedoc comme en Provence, mais on trouve aussi elze en languedocien, euve du côté de Marseille, ausilha [aousillo], eusina [eousino] en Provence plus intérieure et ausina [aousino] dans l’Aude. Notons qu’en catalan, il s’appelle alzina. Euse (du genre masculin) est passé au français pour donner « yeuse(du genre féminin), mot qui est employé par certains romanciers du sud d’expression française (Giono, Pagnol) qui n’usent jamais de « chêne vert » dans leur récit, pas plus que le dictionnaire de latin cité précédemment.

Chêne vert

Chêne vert

Omniprésent sur le territoire, il l’est tout autant dans le bottin : comptez le nombre de gens s’appelant Dezeuze, Deleuse, Elzière ! Le chêne vert y est bien représenté, particulièrement en Languedoc ! Quant à savoir pourquoi, c’est une autre affaire : un ancêtre habitant près d’un chêne ? ou fort comme un chêne ? C’est tellement l’arbre de nos sols calcaires méditerranéens que les botanistes ont bien failli le choisir pour définir la zone méditerranéenne. Mais comme il se permet quelques échappées sur la côte atlantique ou à des altitudes « anormales » dans les Alpes de Haute Provence par exemple, ils lui ont préféré l’olivier. C’est par contre l’arbre par lequel on définit le premier étagement de la végétation méditerranéenne (étage du chêne vert), lui-même surmonté par l’étage du chêne blanc. La « chênaie verte » est l’association végétale qui regroupe autour de ce chêne tout le cortège des plantes méditerranéennes de la garrigue (les vraies, dites euméditerranéennes, cistes, pistachiers, kermès, cades, filarias, laurier-tin) dans les situations chaudes et sèches, notamment les versants sud des collines appelés «adret ». Adret est un mot occitan, que le français lui a emprunté, et qui vient du latin directus (dans la direction du soleil). Ces chênaies vertes s’appellent eusièira, euseda, auseda (en languedocien)/eusiera, euviera en provençal, et ont bien sûr donné de nombreux toponymes (L’Eusière, Lauzières, L’Euzède, Auzède), et si l’on parle d’un bois plus petit L’Euset, L’Eusette (illicetum en latin). Notons que la présence d’un z entre deux voyelles dans les noms francisés est bien sûr un des multiples avatars dus à la transcription des noms occitans, qui n’est point justifié par l’étymologie (même avatar pour « maset », quelquefois improprement écrit mazet).

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Publié le: 26/01/2016

Les chênes – Introduction

Au cours de quatre courtes chroniques, nous évoquerons les chênes familiers des paysages méditerranéens. En tant que lexicographe et ethnobotaniste en domaine occitan, c’est très peu en termes de botanique que nous aborderons le sujet, mais avant tout sous son aspect culturel et lexical : quels usages avaient-ils dans nos régions, comment étaient-ils perçus et nommés, quels toponymes (noms de lieux) et anthroponymes (noms de personnes) ont-ils donné, quels sont les noms français empruntés à l’occitan pour décrire les paysages, tous problèmes qui relèvent de l’ethnobotanique, c’est-à-dire des rapports étroits que l’homme entretient avec son environnement végétal.

De fait, à cause de la coupure avec la nature, des pans entiers de savoirs populaires disparaissent ou ont disparu définitivement. Ils étaient pourtant le signe d’un rapport très privilégié avec la nature méditerranéenne. Ainsi pour le sujet qui nous préoccupe, peu de gens savent encore distinguer et nommer les chênes (hormis les passionnés de botanique bien sûr), savoir pourtant spontané chez tous les paysans et vignerons  : nous ne croyons donc pas inutile de tracer rapidement le « portrait culturel » de ces arbres autrefois familiers de tous, mais devenus étrangers à beaucoup d’habitants de la région. La lecture des cartes géographiques prend ainsi un tout autre sens lorsque l’on sait décrypter les noms de plantes qui ont servi à former les innombrables noms de lieux.

L’évocation de quelques notions élémentaires d’écologie ou de floristique sera avant tout un prétexte à introduire un vocabulaire qui transparait dans les noms de lieux, ou à évoquer le regard occitan sur l’environnement, notamment à travers des citations d’auteurs.

En ce qui concerne les noms occitans (toujours écrits en caractères gras), nous donnerons les noms languedociens, suivis des noms provençaux dans le cas où ils sont différents. Il n’est bien sûr pas question de rentrer ici dans les moindres détails des appellations, et de faire de la dialectologie : nous restituerons ces renseignements plus complets dans un dictionnaire d’ethnobotanique en cours de rédaction. Afin d’aider les lecteurs peu au fait de la langue d’oc, nous donnerons ici ou là une prononciation phonétique approximative (la syllabe soulignée représentant l’emplacement de l’accent tonique).

A tout seigneur tout honneur, tout d’abord l’arbre-roi des collines du Midi : le chêne vert

Josiane Ubaud

Les quatre articles suivants sont : 1 – Le chêne vert. 2 – Le chêne blanc. 3 – Le chêne-Kermès. 4 – Le chêne-liège.

Publié le: 26/01/2016

Du Teonanacatl, champignons sacrés, aux Psilocybes interdits

Au 16e siècle, au moment de la conquête espagnole (chute de l’empire Aztèque avec la prise de Tenochtitlan en 1521), les conquistadors, les religieux qui les accompagnaient ou ceux qui parcoururent le Mexique méridional rapportèrent que les populations locales utilisaient des champignons aux propriétés « enivrantes » au cours de cérémonies rituelles. Ils décrivaient l’apparition, sous l’effet de ces champignons absorbés crus, frais ou secs, de sortes de rêves colorés, de crises d’hilarité, d’excitation, de « visions démoniaques », de phases de torpeur. Des personnages, sortes de chamanes, tiraient profit des états obtenus pour prédire l’avenir, retrouver la cachette d’objets volés ou comprendre des états pathologiques en vue de prévoir leur évolution et leur traitement. Ces champignons, agents de communication avec le monde divin, et associés aussi aux cérémonies sacrificielles, étaient désignés par les Aztèques, dans leur langue le Nahuatl, sous le nom de Teonanacatl, généralement traduit par « Chair de Dieu ».

Diego Duran, dans son Historia de la Indias de Nueva Espana évoque les cérémonies du sacre de Montezuma II, empereur aztèque en 1502 :

« Le sacrifice terminé, et les marches du temple et la cour restant baignés de sang humain, ils s’en allèrent pour manger des champignons crus, nourriture qui leur faisait perdre à tous la raison et les laissait dans un état pire que s’ils avaient bu trop de vin ; ils étaient tellement ivres et privés de raison que beaucoup se suicidaient, et grâce aux pouvoirs de ces champignons, ils avaient des visions et l’avenir leur était révélé, le diable leur parlant tandis qu’ils étaient en état d’ivresse ».

Le caractère « démoniaque » attribué à ces rites allait conduire à leur suppression et leur occultation par la destruction de tout ce qui pouvait maintenir la mémoire. On cite généralement en exemple la destruction de Mani dans le Yucatan le 12 juillet 1562 où Diego de Landa, évêque du Yucatan, avait rassemblé et détruit des milliers d’idoles et de documents (dont 27 « rouleaux »), obtenus par des méthodes qualifiées d’extrêmes.

Citation :
« Nous trouvâmes parmi eux un grand nombre de livres écrits dans ces caractères et comme ils ne contenaient que des superstitions et des mensonges diaboliques, nous les avons tous brûlés, ce qu’ils regrettèrent d’étonnante façon et ce qui provoqua chez eux une affliction extrême. »

L’effet de désolation sur la population fût tel que la conduite de Diego de Landa a été jugée excessive et outrepassant son rôle. Rappelé en Espagne il dut sa réhabilitation à la description détaillée de ses connaissances acquises sur les civilisations locales, notamment le calendrier Maya. Déjà, à cette époque, le caractère ancien de ces rites était soupçonné mais, pendant 3 siècles, ces témoignages n’ont suscité aucun écho.

Au 20ème siècle, la persistance au Mexique de rites à base de champignons est confirmée par V. Reko, un autrichien, puis par un botaniste, R. E.  Schultes qui se procure des échantillons et les détermine. Dans les années 1950, les connaissances progressent rapidement sous l’impulsion d’un ethnologue américain, R. Gordon Wasson (1898-1986), de son épouse et d’autres spécialistes qu’il associe à ses recherches, notamment le mycologue Roger Heim et le chimiste Albert Hoffmann.

La persistance de rites est confirmée dans les régions montagneuses du Mexique méridional, rites variables selon l’origine ethnique des populations locales concernées et mêlant références ancestrales et influences d’origine catholique, mais tous s’appuyant sur les effets de champignons spécifiques sous la direction de curanderos plus ou moins qualifiés. Dans cette aventure, une curandera nommée Maria Sabina (1894-1989), initiatrice de R. G. Wasson et de R. Heim et de bien d’autres, deviendra célèbre et attirera contre son gré de nombreux curieux à la recherche de sensations.
Le groupe rassemblé par R. G. Wasson allait conduire à identifier les espèces utilisées et l’ensemble des espèces actives, appartenant essentiellement aux genres Bolbitius, Conocybe, Panaeolus, Stropharia, et surtout Psilocybe, avec de nombreuses espèces nouvellement connues. Le conférencier fait le survol des espèces utilisées au cours des rituels et des espèces apparentées et voisines identifiées depuis cette époque, actives et inactives.

Figure 1 - Psilocybe caerulescens, une des propositions pour le Teonanacatl des Aztèques

Figure 1 – Psilocybe caerulescens, une des propositions pour le Teonanacatl des Aztèques

Deux principes actifs sont rapidement identifiés par A. Hoffmann et leur structure confirmée par synthèse totale : La psilocybine, 4-phosphoryloxydiméthyl tryptamine et la psilocine, son dérivé déphosphorylé 4-hydroxydiméthyl tryptamine, forme active. Plus tard, un autre dérivé actif, la baeocystine est caractérisée comme étant la 4-hydroxymonométhyl tryptamine. En raison de leurs effets et de l’analogie structurale avec la sérotonine (5-hydroxy tryptamine), médiateur chimique de certains neurones cérébraux, ces dérivés ont suscité à l’époque un grand intérêt auprès des pharmacologues, des psychopharmacologues et de la psychiatrie. Les « reviviscences » d’évènements passés, oubliés ou refoulés et qui s’imposent sous l’action du produit, en même temps qu’une levée des inhibitions et du contrôle de soi, l’apparition de phénomènes hallucinatoires, faisaient espérer des avancées dans le domaine de la connaissance du cerveau et de la thérapeutique, d’autant que A. Hoffmann venait de reconnaître des propriétés identiques à un composé voisin, quoique plus complexe, le LSD 25. La recherche des relations entre structure et activité de nombreux dérivés fut également entreprise. Cette recherche s’avéra plutôt décevante et rapidement polluée par l’engouement de la part d’usagers à la recherche d’états les conduisant vers de soi-disant « paradis artificiels » dans des « voyages » (pas toujours faciles) les éloignant de la réalité. L’analogie avec les effets du Peyotl (et de son principe actif, la mescaline), lui-même instrument de culte dans des régions plus sèches du nord du Mexique ou de l’Ololiuqui, un autre agent d’origine végétal utilisé à la place de champignons renforçait encore l’intérêt des chercheurs.

Figure 2 - Formule chimique de la Psilicybine

Figure 2 – Formule chimique de la Psilocybine

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Publié le: 25/01/2016